En 2000, vous avez lu « le Portail » de François Bizot, dans lequel il raconte sa captivité chez les Khmers rouges et comment il échappe à la mort. Et comment nos lâches intellectuels français ont soutenu le génocide. En juin 2006, il publie « Le saut du varan » qui suscite moins de commentaires mais qui est en quelque sorte la conclusion du « Portail » avec au bout d’une intrigue policière, qui n’est que prétexte, cette constatation : « … l’humanité c’est une erreur ».
Mais d’abord une longue marche à travers la forêt tropicale au nord d’Angkor, à la recherche d’une femme éventrée et d’un fœtus disparu. A travers une botanique utérine où la sève domine le sang. (merci pour la connaissance exacte des plantes), deux hommes remontent les pieds dans la boue, la tête dans les rêves, jusqu’à leur enfance et admettent que « l’on ne sait rien ».
Bizot est ethnologue, membre de l’Ecole française d’Extrême Orient. Il connaît la terre asiatique, les hommes qui l’habitent et les mythes qu’ils respirent. Il nous entraîne dans une plongée en apnée dans la matière des choses et les illusions que nous entretenons à son sujet.
Il nous fait participer à la « mangeaison » d’un durian (Durio zibethinus). Il nous apprend comment chier et se torcher en forêt, dans les feuillées comme on le disait autrefois, comment ne pas se moucher, comment tomber en religion devant le sexe de la femme, comment décomprendre le monde, comment se méfier de la raison, comment réviser dramatiquement nos rapports avec les mots, avec le langage humain. Il nous explique la disparition de l’homme de Néanderthal par une hypothèse étonnante : il ne parlait pas. Sapiens, avec son trop gros cerveau, et son bavardage belliqueux l’a tué.
Bizot décoiffe nos vieilles incertitudes. Sous couvert d’un roman d’aventure, il secoue la litière inconfortable dans laquelle nous prétendons continuer de dormir. Oui Bizot est un éveilleur. C’est pour cette raison que nous revenons sur un livre publié il y a quatre ans. Et que nous venons de relire. Lisez le. On en trouve d’occasion à partir de moins de cinq euros, chez qui vous savez. Je vous laisse découvrir comment saute le varan.