Archive pour la catégorie ‘La Vie brève’

El fin del mondo

20 février 2011,

Georges était parvenu à ce point extrême qu’on appelle « el fin del mondo ».
Il avait traversé des jungles de sabals, de syagrus géants, d’arécas à bétel, de pachiras macrocarpa, de quinquinas rouges, d’odorantes draculas, d’envoûtantes lycastes, accompagné des cris des tamarins labiés et des singes hurleurs, il avait fait fuir le raton crabier, s’était garanti des vampires à pattes velues, des mygales trondaines, avait croisé la route des pumas…
Et maintenant, face à l’Océan infini, à l’horizon mouvant, Georges prit la décision qui s’imposait:
Il marcha sur l’eau

Attente

6 février 2011,

J’étais là, tranquillement, à attendre le printemps et la fin du monde.
Les taupes avaient bosselé le jardin en progressant vers la maison.
Georges était parti vers l’ouest des Brumes, une péniche l’avait pris au lever du jour.
La veille, de la terrasse, on avait observé les ragondins qui broutaient tout leur soûl, au soleil pale.

Rencontre

24 janvier 2011,

Pendant la traversée, le vent cessa soudain, nous dûmes jeter l’ancre. Un désert minéral nousentourait, avec ça et là de rares palmiers bleus. La nuit reconstitua nos forces et c’est à l’aube que nous les vîmes s’approcher, Lui et l’Oiseau. Des légendes courraient sur leur compte colportées par des voyageurs…

Ils firent leur spectacle: l’Oiseau exécuta de savantes cabrioles rythmées par un tambourin jaune, Lui psalmodiait d’étranges incantations.Le silence s’imposa, du sable montait une odeur de cannelle, des milans noirs nous survolèrent à plusieurs reprises…
Qu’ont-ils voulu nous confier que je n’ai pu, jusqu’aujourd’hui, déchiffrer…

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la fuite de mademoiselle Berthe

12 janvier 2011,


Mademoiselle Berthe partit la première. A l’époque, c’était une adolescente un peu empesée dans ses manières mais d’un tempérament impétueux, un volcan sous la banquise…

Un désastre familial survint qui la fit héritière d’une fortune considérable qu’elle plaça judicieusement.
La Patagonie sauvage l’attirait, elle s’y enfuit, elle parvint en Terre de Feu, c’était son élément.
Elle apprit le patagon, s’emmouracha d’un bâtard d’Antoine de Tounens, roi d’Araucanie.
Les gérants suisses de ses comptes lui envoient régulièrement ses dividendes.
Elle a fondé un hôpital, une distillerie d’aquavit et une église locale où des indiens alacalufes invoquent le Grand Lièvre Rédempteur, père des Hommes-aux-grands-Pieds.

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Karma

29 décembre 2010,

Karl était un vautour, un charognard, un détrousseur de cadavres, une hyène se repaissant des échecs d’autrui. Combinateur prodige, il tendait des pièges sophistiqués dans lesquels s’empêtraient irrémédiablement ses concurrents éventuels, n’hésitant pas à les enfoncer un peu plus encore. Son aura démoniaque lui attirait des Dalila traîtresses, des Salomé voluptueuses, des Lucrèce cyniques, d’avides Lola, des Mata-Hari perfides, Kali, la dernière femme, lui fut fatale. C’était une mante, elle le dévora, religieuse, elle l’envoûta et le convertit. Jaïn, il va nu sur les routes, balayant devant soi avec son pichi de plumes de paon.
Je m’attends un jour, à le revoir ici, gourou entouré de jeunes dévotes, prônant la Vie sauvage, l’art du oud, du croquis rapide et de la décroissance.

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Une Chabada rosicrucienne

22 décembre 2010,

C’est au Cours élémentaire de la rue de Picpus que Georges se lia avec Erik Satie, Berthe, plus jeune, sévissait en Maternelle.
Georges voulait être paléographe, et Erik pompier-chef. Leurs vocations les séparèrent.
Plus tard, Berthe devint la muse d’un Nabi qui se fit moine et la quitta. Elle s’éprit de Georges qui ainsi, retrouva Erik.
Icelui, Grand Prêtre de « l’Eglise Métropolitaine d’Art de Jésus Conducteur » en fit son Maître de chapelle.
On lui doit cette allègre Chabada rosicrucienne pour hautbois, de rythme argentin, à la sensualité trouble.

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La caverne

27 novembre 2010,

Les derniers jours de novembre, nous allions à la Grotte-des-pis, ses stalactites mamelliformes nous rappelaient les temps heureux des tétées roses, de la satiété douce qui précédait le sommeil, de la plongée vers des inconscients océaniques.
Nous voguions, béats, allongés sur le sol tiède vers la « regressio ad utero ».
Quand on se réveillait, il ne nous fallait pas plus d’un quart-d’heure pour rejoindre le « Café des Sports », y ingurgiter un café trop corsé, plutôt Robusta amer qu’Arabica suave, mais ça remettait sur pieds.
On épluchait la presse locale, la nécro et les annonces matrimoniales, tandis que Georges dessinait sur les vitres embuées des figures énigmatiques…

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Esturgeons

16 novembre 2010,

L’effet de surprise passé, nous nous habituâmes à leurs lentes reptations, à leur souffle rauque, à leur caractère placide.
Ils remontent du sud, depuis que les mers se sont réchauffées. Ils cherchent leur nourriture dans les zones d’épandage des bords des cités. Leurs chants, la nuit, semblent des sanglots étouffés.
Alors, ne résistant plus, toute la ville sort sur les terrasses et les balcons pour pleurer tout son soûl tandis que les fraternités entonnent les “lamentatios” et qu’aux barbacanes s’allument les feux.

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Noeuds

15 novembre 2010,

Il dit: ” Quand la situation est trop embrouillée, quelques frappes chirurgicales ici et là suffisent à la dénouer!”
Georges penche plutôt pour la non-intervention, laissant les parties en présence se démêler toutes seules….
Ce disant, ils s’éloignent, l’esprit en paix.

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