La reprise d’une pièce de Jacques Audiberti est toujours un événement, tant cet auteur pourtant prolixe se fait rare sur les scènes françaises. Il s’agit ici du “Cavalier seul”, monté au Théâtre 14 par Marcel Maréchal qui l’avait créé en 1963.
Le propos de la pièce est original et ambitieux. Le cavalier Mirtus, fils de paysan, décide de quitter la maison paternelle pour une croisade solitaire jusqu’au Saint Sépulcre à Jérusalem. Mi Parsifal mi d’Artagnan, naîf et redresseur de torts, il croise au cours de son voyage des personnages hauts en couleurs: prêtre, calife, ouléma, danseur, prostituée, impératrice…jusqu’à l’Homme, incarnation du Christ.
Ces rencontres sont prétextes à des discussions philosophico-fantasques qui, sous une apparente superficialité loufoque, touchent à des sujets graves, tels le colonialisme ou la religion. La scène où l’impératrice de Byzance -magnifique Marina Vlady- explique au cavalier le trafic des reliques de la “vraie” croix est des plus savoureuse.
Au fil de son périple, les yeux de Mirtus s’ouvriront sur les réalités d’un monde perverti, cruel, assoiffé de pouvoir et d’argent: LE monde, NOTRE monde.
Le langage d’Audiberti est riche, truculent, un peu lourd parfois, drôle souvent. Ses personnages baroques, délirants, sont ingénieusement mis en scène par un Marcel Maréchal inspiré, qui campe également plusieurs rôles avec le bonheur et l’autorité qu’on lui connaît. On sent combien cet ouvrage lui tient à coeur.
Autour de lui, Mathias Maréchal est un cavalier idéal, puissant et sincère. Marina Vlady est stupéfiante d’aisance dans les trois rôles qu’elle incarne. Mais la palme de l’émotion revient à Emmanuel Dechartre, l’Homme christique, criant de vérité grinçante dans la scène la plus touchante de la pièce. Le reste de la distribution, parfaitement homogène, est irréprochable.
Si vous vous laissez aller à votre curiosité, vous constaterez que ce cavalier…désarçonnant réveille en nous en galopant à travers les temps un écho très actuel.