Henri Cartier-Bresson à Beaubourg

15 février 2014,

Par Alain Hervéhenri_cartier_bresson-437x300

J’ai eu l’occasion de faire un reportage en 1963 avec Henri Cartier Bresson. Notre sujet : « Vingt quatre heures dans un commissariat de police » fut publié dans le mensuel « Réalités ».

C’était un compagnon d’ouvrage extrêmement agréable. Discret, il n’empiétait jamais sur le travail d’enquête. Le sujet était délicat, nous tentions de raconter  la vie d’une population misérable dans le quartier de Plaisance à Paris avant sa rénovation.

Nous fûmes d’ailleurs agressés par une mère et son fils venus faire une déposition dans une salle du commissariat. Malgré son étonnante capacité à se fondre dans le mur, le photographe invisible Henri Cartier-Bresson reçut une bordée d’injures.

Après ce difficile reportage, quelques années plus tard,  nous nous retrouvâmes auprès de René Dumont qui menait sa campagne présidentielle à partir d’un bateau mouche sur la Seine. Henri revendiquait le rôle de simple cycliste coursier. Et refusait d’apparaître comme la notoriété qu’il était.

C’était un modeste prétentieux. Il se prévalait de son invisibilité. Discret, protestant dans son maintien, effacé, il jouissait cependant de sa célébrité. Curieux homme. Lorsque je fis paraître « l’Homme sauvage », manifeste écologique qui exprimait une nouvelle vision du monde, il m’envoya un mot pour me dire qu’il en avait acheté une pile pour les distribuer autour de lui.

Encore plus tard, il me téléphona pour m’inviter à venir voir, en privé, une exposition de ses dessins à la mairie du village de Céreste dans le Vaucluse, où il possédait une résidence secondaire.

Il me dit alors qu’il aurait voulu se consacrer au dessin et à la peinture plutôt qu’à la photographie.

Je trouvai pour ma part ses dessins assez mauvais. Je lui exprimai à demi mot ma réticence.  Et je pensai à Man Ray qui avait affronté le même doute sur son choix artistique.

Je lui conservais cependant toute mon estime pour sa qualité humaine qui était immense. Pour son grand, très grand talent d’observateur. Pour sa capacité à saisir au vol des moments de vie.

Il me semble intéressant de noter que dans les hommages qui lui sont rendus en ce moment, à Beaubourg en particulier, on a effacé son engagement écologique. Communiste , surréaliste…sont des titres de gloire, mais écologiste pouah!

 

 Alain Hervé