Si l’on veut décroitre nos émissions carbonées et notre dépendance au nucléaire, la décroissance de notre consommation électrique est incontournable. Une part pourrait s’obtenir par une vraie politique écologique, ce qui n’est pas dans les tablettes du gouvernement actuel. Une autre part peut s’obtenir par la production individuelle, qui oblige à maitriser sa consommation, et qui réduit ou supprime la consommation d’électricité venant du réseau.
Le dossier du Sauvage s’intéressera aux solutions d’autonomisation partielle ou totale à l’échelle du citoyen, dans une optique de résilience, d’autogestion et de décroissance. Nous commençons tout d’abord par une analyse du paysage énergétique électrique en France. Puis une analyse globale du photovoltaïque. Enfin, dans les prochains articles, nous rentrerons dans la réalisation de plusieurs types d’installation.
Deuxième volet: équipement incontournable en maison individuelle: si vous avez un ballon d’eau chaude électrique, une toiture au sud, mais pas encore de solaire thermique, vous allez d’abord commencer par installer du solaire thermique . Cette installation va vous permettre de faire décroitre votre consommation électrique et votre facture, pour un coût minime. Troisième volet: construire une petite résilience électrique: produire et stocker une centaine de watts-heure pour l’éclairage d’urgence et les besoins minimaux en cas de panne du réseau national. Quatrième volet: produire et stocker un millier de watts-heure pour une autonomie en sobriété. |
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Électricité nucléaire: les années et le climat s’invitent au débat
La France produit grâce au nucléaire une électricité décarbonée à 90%, mais au prix de contraintes environnementales, économiques, politiques, et sécuritaires très importantes, avec très peu de résilience dans le contexte des troubles climatiques et sociétaux émergents. La part du nucléaire dans le mix énergétique national va baisser dans les prochaines années: les problèmes d’exploitation et de management se succèdent, le stockage de déchets est à saturation, le coût de l’électricité des renouvelables est de plus en plus concurrentiel, et surtout, nous arrivons à la fin de vie de la plupart de nos centrales.
Obsolescence déprogrammée
Dans 5 ans, 35 réacteurs en service sur 56 auront dépassé leur limite d’age d’origine, 40 ans. Dans 10 ans, ce seront 49 réacteurs sur 56 qui auront dépassé leur limite d’age. EDF prétend pouvoir les prolonger d’encore une à deux décennies, voire plus, avec plus d’une centaine de milliards d’euros de travaux, et au prix de longues périodes de fermeture, ignorant les conséquences de la fragilisation des cuves et des circuits primaires, que l’on ne peut pas changer. Les mises hors service pour maintenance vont se succéder, à tel point que RTE ne peut plus cacher que des risques de pénurie sont proches: extrait du rapport de RTE de novembre 2019, dans le paragraphe ” 2022-2023 : Une sécurité d’approvisionnement sous vigilance” […]”Si le développement des énergies renouvelables se poursuit durant cette période, en l’absence de mise en service de l’EPR de Flamanville, il ne suffit pas à compenser les fermetures réalisées.” Le “délestage” a un bel avenir devant lui… Rappelons aussi que le nucléaire n’est pas compatible avec les sécheresses et les canicules à venir: les températures supérieures à 50° annoncées d’ici à 2050 paralyseront nos 70% d’électricité nucléaire en été.
Le développement des renouvelables n’étant pas une priorité, comme le montre le lamentable plan de relance français de septembre 2020, et l’ouverture de Flamanville étant de plus en plus incertaine, il y a fort à parier que le moindre incident technique, climatique ou sociétal démontrera notre faiblesse. Dans ce contexte, la réduction de la consommation électrique est incontournable. L’autonomisation partielle ou totale devient nécessaire pour assurer une certaine résilience face aux crises émergentes.
La réduction de la consommation électrique passe d’abord par le solaire thermique.
En maison individuelle comme en immeuble, si vous avez un ballon d’eau chaude électrique ou à gaz, individuel ou collectif, et une toiture non ombragée, vous pouvez déjà commencer par installer du solaire thermique, ce qui vous fera faire de sérieuses économies d’électricité ou de gaz, en plus de la satisfaction d’utiliser une énergie inépuisable et gratuite. On peut utiliser le solaire en appoint du système traditionnel, gaz ou électrique, sans modifier radicalement l’installation. L’économie moyenne en France est de 1 Mégawattheure par foyer et par an.
De nombreux immeubles et bâtiments professionnels sont déjà équipés depuis des décennies. La plupart des toitures sont parfaitement adaptées à l’installation et à la maintenance. De nombreux cabinets d’études spécialisés peuvent chiffrer les meilleures solutions en fonction de chaque cas. C’est aux résidents ou aux employés de pousser le dossier et de proposer des cabinets d’étude aux syndics et responsables d’équipement. Avec les aides publiques, on peut arriver à plus de 80% de subvention sur l’habitat collectif. Les gros équipements ont des durées de vie moyenne sans souci pour 20 ans environ, bien plus que certaines chaudières de collectivités ! Chez les particuliers, il n’est pas rare d’avoir une installation de plus de 30 ans fonctionnant sans souci.
Le photovoltaïque aujourd’hui
Pourquoi s’équiper ?
Il y a plusieurs motifs légitimes pour s’équiper en photovoltaïque (ou en éolien léger) avec ou sans stockage:
- ne pas soutenir une politique énergétique basée sur une croissance de la consommation, sur le nucléaire et les centrales carbonées.
- faire baisser les émissions de globales de CO2 (les centrales à gaz et charbon servant à lisser la consommation européenne)
- si on stocke un peu, construire sa résilience face à la crise de l’énergie et la crise du climat qui fragilisent l’approvisionnement.
- connaitre mieux sa consommation par la connaissance de sa production, ce qui pousse à diminuer votre consommation personnelle, tout en diminuant également la consommation nationale et donc globale.
- en sortant du réseau, on sort également de la captation de données de l’opérateur Enedis par l’intermédiaire du Linky 6
Le taux de retour énergétique des panneaux photovoltaïques
Un préalable qu’il est toujours bon de rappeler: avec du matériel récent, le taux de retour énergétique du photovoltaïque installé en Europe, tourne autour de 10 (10 unités d’énergie fournies par les panneaux, pour 1 unité d’énergie dépensée en fabrication) pour un panneau fournissant au moins 25 ans, la durée de vie de la plupart des panneaux. En moyenne, un panneau a donc fourni plus d’énergie que l’énergie demandée pour sa fabrication, au bout de 2 à 3 ans. Mieux encore: des associations matériel/installation bien exposées et bien conçues peuvent avoir jusqu’à un taux de retour énergétique de 20 et plus, en Europe (d’après une étude de l’Agence Internationale de l’Énergie en 2015, réalisée avec l’ensoleillement de la Suisse…). Pour la longévité: certains panneaux ont plus de 30 ans et fournissent encore plus de 80% de leur capacité initiale, augmentant encore leur taux de retour énergétique.
La délocalisation de la pollution
Bien que l’industrie de fabrication du photovoltaïque soit encore très polluante, notamment par l’industrie des minerais qui les composent, comme silicium ou aluminium, de gros efforts ont été faits par les Chinois, premiers producteurs mondiaux de panneaux, pour que l’industrialisation du silicium, notamment sa fonte, très coûteuse en énergie 1, repose de plus en plus sur de l’énergie renouvelable. La fabrication des cellules requiert de nombreux traitements chimiques très polluants (acides, gaz,…) et consommateurs de ressources, sur lesquels nous n’avons que peu de contrôle. Pour l’assemblage, les usines sont quasiment toutes au dernier cri de la technologie, et extrêmement automatisées. Beaucoup d’usines de panneaux chinoises sont alimentées en électricité par leurs propres panneaux et sont quasi autonomes en électricité en journée. Une étude de l’Hespul de 2009 2, bien que très datée sur certains chiffres, explore efficacement les enjeux environnementaux de la fabrication.
Relocaliser pour moins polluer : le manque d’une politique commune
En résumé, c’est encore une industrie polluante, consommatrice de ressources, émettrice de CO2 par l’industrie minière associée, qui pourrait être bien plus écologiquement vertueuse si l’on se donnait les moyens d’une relocalisation et d’une économie basée sur des concepts d’utilité publique, à l’échelle Européenne par exemple.
Hélas, les 30 milliards “pour l’écologie” du Plan de Relance français de septembre 2020 n’intègrent pas de politique spécifique sur la relocalisation du photovoltaïque, ni même sur l’équipement en photovoltaïque, le mot n’apparaissant même pas dans les textes ! A la place, l’effort énergétique se porte sur les polluantes batteries lithium et le non-résilient hydrogène, qui vont avaler des milliards d’euros d’argent public, gaspiller des ressources considérables, et accélérer l’effondrement en cours.
Le recyclage du photovoltaïque
La filière de recyclage se perfectionne en permanence, en France, comme en Europe et sur la planète entière. Il y a peu de composants dans un panneau: de l’aluminium, du verre, du silicium, du plastique, des métaux rares (étain et argent notamment) et du cuivre dans les câbles de connexion. Véolia gère la première usine de recyclage française de panneaux à Rousset près d’Aix-en-Provence.3
Perspectives techniques
Une nouvelle filière très prometteuse 4, à base d’un assemblage minéral particulier, le Pérovskite, moins chère que la filière Silicium, et bien moins polluante, pourrait encore augmenter le taux de retour énergétique et diminuer le coût, en diminuant cependant la durée de vie. Les panneaux pourraient être réalisés à base de technologies d’impression. Après plus de 15 ans de laboratoire, les premières commercialisations devraient arriver sous peu, dès 2021.
Les prix
Le prix des panneaux a chuté, en France, en achat groupé pour le grand public, à moins de 20 centimes le Watt-Crête, un prix bas, jamais atteint jusqu’à aujourd’hui, et qui ne pourra que remonter avec l’émergence des crises, le cours de l’argent (métal) et de l’énergie qui vont augmenter dans les années à venir. C’est donc le moment de s’équiper. En achat non groupé, on trouve d’excellents panneaux neufs de 300Wc à 100 euros environ, soit un peu plus de 30 centimes le watt. Le marché de l’occasion est également très florissant, et extrêmement intéressant en terme de prix, notamment en quantité, sur achat groupé: on pouvait trouver il y a quelques jours chez Emat, un spécialiste du photovoltaïque neuf et d’occasion, des panneaux de seulement 6 ans d’age, de 250W, à 22 euros pièce.
Le stockage
Pour l’individu, le stockage reste écologiquement vertueux si on utilise des technologies de batteries anciennes: Plomb ou bien Nickel-Fer, qui sont correctement recyclables, ou bien des technologies modernes comme les batteries carbone/oxyde de manganèse (procédé Aquion) ou les batteries Zinc-Brome. En revanche, il faut oublier les technologies à base de lithium, dont le poids sur l’environnement est trop important. Nous aurons l’occasion de décrire les batteries dans le troisième volet de notre présentation.
Références:
1 https://www.encyclopedie-energie.org/les-fours-de-cristallisation-du-silicium-photovoltaique/
2 http://www.photovoltaique.info/IMG/pdf/PV_Fab_Envt_final_26082009.pdf (PDF)
3 vidéo: https://youtu.be/ZNUUHTW6Dhk
4 https://www.pv-magazine.com/page/4/?s=perovskite
5 https://youtu.be/uXrhrIw-mwk
6 http://www.lesauvage.org/wp-content/uploads/2020/09/Monloubou-capteurs.pdf (PDF)