Vous vous souvenez probablement que les ministres de la Santé publique Agnès Buzyn puis Olivier Véran nous avaient dit que le port du masque était inutile sauf pour les soignants. C’était l’époque où il n’y avait pas assez de masques. Il n’y en avait même pas assez pour la médecine privée. Le gouvernement a ensuite fait volte-face et ceci (sans surprise) à partir du moment où les stocks ont été reconstitués. Du port obligatoire dans les transports et les lieux clos, nous sommes passés dans certaines villes au port obligatoire dans la rue. Plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer la restriction de liberté, l’inefficacité de la mesure, l’inutilité des masques et comme je me demande ce que je dois faire avec mes masques, je vous livre la conclusion (qui n’engage que moi !) de mes lectures.
Le masque qui vous protège mais ne protège pas les autres
Quand les médias ont commencé à évoquer l’utilité de porter des masques, j’ai fouillé dans mes tiroirs à outils et trouvé 2 masques marqués FFP2. Ces masques dont j’avais oublié l’existence avaient été achetés pour me protéger d’un ponçage ou plus généralement d’un nuage de particules fines dont l’inhalation n’est pas bonne pour la santé. C’est un outil de travail quotidien pour les carrossiers. On doit les porter de manière à ce que leur pourtour s’applique au visage, et respirer au travers. Celui que j’ai essayé est difficile à garder longtemps. Il en existe d’autres modèles dans le commerce et la réclame déclinée pour leur promotion assure que la respiration se fait sans gêne. Sur les masques de ma boite à outils, la respiration est facilitée par une valve qui laisse sortir l’air expiré. Si la personne qui porte le masque l’a bien positionné et qu’elle ne pose pas ses doigts dessus, elle est assez bien protégée de l’inhalation des gouttelettes fines charriant le coronavirus. La protection existe en trois niveaux FFP1, FFP2 et FFP3 (normes européennes, si vous visitez des sites états-uniens, vous avez un équivalent avec N95). Ces derniers sont les plus filtrants, avec en principe une fuite totale vers l’intérieur inférieure à 2%. Si la personne qui porte un masque avec valve a la covid-19, elle vaporisera libéralement ses virus devant elle à chaque ouverture de la valve. C’est du moins ce que suggèrent à mots couverts différentes descriptions que j’ai pu lire. Dans l’étude comparative de Fischer et collaborateurs (1) qui confronte les performances de 14 modèles, c’est le N95 qui est le plus efficace contre la projection de gouttelettes, si on lui a supprimé la valve comme c’est le cas en milieu hospitalier (*). Avec la valve il devient comparable à un masque de 2 couches de coton.
Les masques qui protègent surtout les autres
Le masque dit chirurgical est celui que je porte habituellement et que je vois le plus souvent autour de moi. Chirurgical parce que dans la salle d’opération, ajusté sur la face des chirurgiens, il protège le patient qu’on opère.
Les instructions d’usage sont très exigeantes : bien appliquer sur le visage et en particulier utiliser l’armature métallique pour ajuster sur l’arête du nez, par la suite ne toucher que les élastiques, jeter le masque dès qu’il est humide, ne pas le descendre sur le menton, si possible ne pas avoir de barbe. Toutes ces recommandations ont pour but d’en faire une protection pour la personne qui le porte et comme le font remarquer justement les pétitions d’opposition aux masques, les instructions ne sont pas suivies. En fait je crois que les autorités de santé en sont conscientes mais je suppose qu’elle comptent que la population portera mieux les masques si chaque personne pense qu’elle se protège (2).
Les masques en tissu, faits maison ou depuis peu commercialisés, ont des performances assez voisines de celles d’un masque chirurgical mal posé. Faut-il donc généraliser l’usage de ce type de masque ? Pour les autorités et j’espère que vous me pardonnerez d’être de leur avis, la réponse est oui.
La question se pose partout sur la planète et on peut trouver sur internet une série de trois dessins très sobres illustrant ce que les personnes instruites appellent une expérience de pensée.
Premier dessin : dans un contexte nudiste (plutôt mâle mais le biais de genre n’enlève rien à la démonstration), si quelqu’un vous pisse dessus, vous êtes bien mouillé
Deuxième dessin : si vous portez des pantalons, un peu d’urine passera au travers et vous mouillera, vous êtes déjà mieux protégé
Troisième dessin : si le pisseur incontinent porte aussi des pantalons et ne les enlève pas, vous êtes complètement protégé.
Cette expérience didactique a été soumise à de vrais experts qui ont approuvé l’analogie.
Vous pourrez objecter que ce qui sort de vos voies respiratoires n’est pas un jet de liquide. En fait c’est un nuage, qui a été étudié, ici un éternuement filmé avec une caméra rapide, 0,25 et 0,34 secondes après l’éternuement (3).
L’objection que tout n’est pas arrêté par un seul masque n’a donc pas beaucoup de pertinence si vous avez affaire à une population massivement masquée. Tout le monde n’échappera pas à la contagion mais elle sera au moins étalée dans le temps. Le temps que l’on trouve un vaccin selon le discours officiel le plus courant. Le temps que l’épidémie s’épuise d’elle-même sans que l’on sache pourquoi comme cela a été observé lors de grandes épidémies historiques, ainsi que le faisait remarquer Didier Raoult. L’étalement dans le temps est aussi une préoccupation pour l’accueil hospitalier des cas graves car les soins durent longtemps. Mais me direz-vous ” pourquoi ne pas simplement isoler les malades ?” Parce qu’il a été montré que les personnes contaminées mais sans symptôme apparent (on dit asymptomatiques) peuvent à leur tour en contaminer d’autres.
Le fait de porter un masque imparfait peut être comparé au devoir électoral. Si vous-même, personne rebelle, n’en portez pas, ça ne changera pas l’épidémie. Si tout le monde en porte, on peut en attendre des résultats. Si une majorité en porte, les résultats seront peut-être moins bons mais cela vaut la peine d’essayer.
Ghislain Nicaise
(À suivre)
(1) Fischer et al. (2020). Low-cost measurement of facemask efficacy for filtering expelled droplets spring speech. Sci. Adv.10.1116/sciadv.abd3083
(2) Et pourtant le mensonge d’Etat ne paie pas (ou en tous cas pas souvent) comme le montre l’exemple des déclarations initiales sur l’inutilité des masques, mal vécues par les citoyen·nes qui trouvent à juste titre qu’on les prend pour des imbéciles.
(3) Scharfman et al. (2016) Visualization of sneeze ejecta: steps of fluid fragmentation leading to respiratory droplets. Exp Fluids (2016) 57:24
(*) Précision ajoutée le 7 octobre 2020