Hommage à Alain Hervé par Edwin Matthews
Il y a 50 ans, un matin de Septembre, assis à mon bureau à Paris, je reçois un coup de téléphone d’un Albatros hurleur qui revient d’un long voyage à la voile au paradis des Marquises. En fait, un journaliste. Il s’appelait Alain Hervé. Et c’était le début d’une amitié pour la vie. Alain et moi avons parlé longuement, en particulier d’une association nouvellement créée, les Amis de la Terre, dont j’avais déposé les statuts deux mois plus tôt. Par la suite, Alain a accepté de prendre la direction du nouveau-né et a animé avec dévouement et énergie tout le mouvement pour l’écologie en France.
Alain est rentré de son long voyage en mer profondément troublé par la direction prise par la société industrielle, une préoccupation que nous partagions. Utilisant ses talents considérables, il s’engage à combattre les tendances destructrices de notre civilisation pour la Terre et ses habitants. Son analyse des problématiques et sa conviction ferme, exprimée par la poésie de ses écrits, ainsi que son charme personnel, m’ont inspiré et ont motivé un grand nombre de militants à nous rejoindre. Beaucoup d’entre eux qui, grâce à Alain, ont poursuivi la campagne écologique, sont parmi nous ce soir.
Motivés par Alain, les Amis de la Terre grandissent. Ils publient de nombreux livres sur l’environnement. Alain lance le Courier de la Baleinedu nom de cette créature toute puissante, mais non-violente et menacée, qui est devenue la métaphore pour la Terre en danger défendue par le mouvement écologiste.
Mais l’arme d’Alain Hervé est surtout son stylo puissant. Il publie 16 livres et des centaines d’articles d’une originalité et d’une perspicacité éblouissantes. Par ses récits sa voix nous parle encore et continue de plaider la cause de la vie sur Terre.
Alain fonde aussi Les Fous des Palmiers, association dédiée à la sauvegarde de sa plante préférée, la reine des plantes. Il écrit que « Homo sapiens se serait évité beaucoup d’ennuis s’il s’était contenté de peupler sur la planète l’aire du palmier. Le reste aurait été occupé par les ours blancs et les Anglo Saxons». Il crée Le Sauvage, d’abord la revue et maintenant le blog, qui plaide pour une civilisation dans laquelle les hommes sont propriétaires d’eux-mêmes.
Ce navigateur normand vivait toujours au bord de son jardin terrestre, au bord de l’eau, celui des granites exposés des Iles Chausey de son enfance, de sa péniche amarrée aux quais de la Seine à Paris, ou de son jardin de palmiers dominant la Méditerranée.
A la mort d’Alain nous avons perdu, en plus d’un fondateur du mouvement écologiste, notre compagnon d’armes et un loyal ami. L’inspiration de ses écrits et l’exemple de sa vie nous serviront pour faire face à un avenir sur Terre de plus en plus menaçant.
Nous avons tous des souvenirs précieux d’Alain. Pour ma part, je retiens surtout de longues heures en forêt à flâner avec nos Golden Retrievers, Pénélope et Friend, ou celles sur sa véranda au dessus de la mer, à envisager ce qu’il a appelé la proximité folle du paradis. Pas le bon vieux temps mais un monde radicalement différent du nôtre: une civilisation profondément humaine, respectueuse de la nature précieuse dans toute sa diversité. La vision d’Alain sera longtemps avec nous, nous montrant le chemin à parcourir et nous donnant l’audace de le prendre.
Edwin Matthews
Le 16 Octobre 2019