Ils avaient pris leurs quartiers dans une de ces villes d’Europe centrale où les églises, les synagogues, les façades Renaissance, les fastueux palais baroques, les immeubles Art Nouveau de l’Ancien Empire rivalisaient dans le chantourné, le convulsif et l’ondulatoire…
Les journées se passaient aux terrasses des cafés, à déguster lentement d’amers expressos, à lire un livre, à l’annoter selon l’humeur, à dessiner dans les marges, ou assis sur les bancs publics des promenades (portant les noms des écrivains célèbres qui les avaient occupés) à regarder flâner des jeunes filles aux cheveux en tresses ou en cascades et aux jambes fuselées, passer des séminaristes ensoutannés, des colonies d’enfants des campagnes environnantes menés par des religieuses en cornette, des athlètes bronzés zigzagant en rollers, des ashkénazes manteau flottant, chapeau noir et papillotes, tandis que résonnaient sur les pavés de la vieille ville, les sabots des attelages des droschken conduits par des femmes en chapeau melon.
Les pies et les corbeaux criaillaient dans les grands arbres des plantations qui avaient remplacé les remparts, il restait quelques tours phagocytées par des couvents et une barbacane en briques avec des toits pointus.
Ainsi s’écoulait notre temps…