par Alain Hervé
Devant le spectacle bruyant, inattendu, sorte d’opera furia présidentiel auquel nous assistons, on peut se poser une question. Que se passe-t-il entre les oreilles de celui qui décide de s’emparer du gouvernement d’une nation, de la France?
Etrange initiative. S’agit il d’assouvir un besoin urgent d’apparaître être le premier des premiers ? S’agit il de se sentir investi d’une mission, d’entendre des voix ? De délivrer son pays des malheurs qui l’accablent ? Difficile en l’occurrence de ne pas évoquer des précédents historiques : Jeanne d’Arc, Bonaparte, De Gaulle et d’autres moindres.
Autrement dit le moteur est soit d’origine personnelle, soit réponse à un appel venu du dehors. J’ai eu l’occasion de côtoyer des individus habités d’une passion qu’ils avaient reconnue dès l’enfance : devenir roi, prince, président. Ils ont souvent dû se résigner à n’être que patron, ou vedette, ou écrivain, ou premier prix de conservatoire, ou chef de train, ou de rayon …
Ce qui est certain, il se produit dans leur cervelle une alchimie du même genre que celle qui promeut un chef de meute dans beaucoup de sociétés animales. Ils ou elles sont nés pour ça. C’est une disposition innée qui donne un sens impératif à leur vie. Tandis que d’autres se laissent glisser vers la somnolence, la soumission, le laisser-aller, l’asservissement, la résignation, le hamac… Ils sont les plus nombreux.
Mais revenons à l’élu. Ce qui surprend n’est pas tant ce qu’il va faire, que ce qui l’a poussé à y aller. Car les êtres humains étant ce qu’ils sont, équipé de cervelles presque identiques, on peut s’imaginer d’autres ambitions extrêmes, d’autres accomplissements. Devenir sage, ou philosophe, ou penseur, ou mystique, ou derviche tourneur…
Mais président !
Que se passe t-il dans sa tête pour se sentir investi du devoir de rassembler soixante et quelques millions d’individus, d’opinions diverses ou opposées, de destinées divergentes dans une aventure commune ?
J’aurais tendance à penser qu’il s’agit d’une « grande illusion ». Il faut une bonne dose de cette drogue violente pour prétendre accéder à la première place et dans la foulée restaurer l’économie, réconcilier des idéologies hostiles, des âges hétéroclites, des retraités et des chômeurs, des urbains et des campagnards, des banlieusards et des provinciaux, des chercheurs et des plagistes, etc…
Par chance et par miracle, cette illusion d’un individu rencontre et suscite l’illusion d’une grande partie d’un peuple qui espère que, tous ensemble, on va s’en sortir dans un grand élan d’enthousiasme et de ferveur.
Nous assistons en ce moment au développement d’un tel phénomène. L’irruption d’un homme, Emmanuel Macron, hier méconnu, soudain promu au premier rang et suscitant dans un climat de stupéfaction un début de ferveur collective. L’histoire de France a déjà connu de ces épisodes. Disposition très fragile du fait de son extrême nouveauté. Dans les jours qui viennent nous assisterons soit à une cristallisation, soit à un effondrement.
Mais on devine une détermination extrême, une capacité juvénile à réussir dans le regard de celui qui vient d’être élu.