Le film démarre comme une plongée dans l’univers cinématographique de Fritz Lang : un cimetière désert, des pavés luisants de pluie résonnant sous les pas, des intérieurs austères et des passages voûtés où la rumeur ranime les braises encore fumantes de la haine patriotique.
Le rythme est donné par l’usage de nombreux plans fixes, rendant l’atmosphère pesante autour de personnages dont l’équilibre mental et affectif, au lendemain de quatre années de massacre guerrier, oscille entre amour et haine, sincérité et mensonge, humanité et souffrance, raison et folie, rédemption et damnation. Le spectateur, pris en otage, est balloté entre ces extrêmes.
Le noir et le blanc ne cèdent la place à la couleur que furtivement, à l’évocation des jours heureux, rêvés ou vécus, alors qu’on aurait voulu qu’elle s’installe plus longtemps.
Comme dans une valse à trois temps, François Ozon nous fait tourner la tête. Le spectateur a face à lui Adrien, tour à tour un héros désespéré par la perte d’un ami, puis un ancien soldat traumatisé tenté par le
suicide et, enfin, un lâche tourmenté par son passé et mort à lui-même. En contrepoint, la douce et rationnelle Anna se reconstruit progressivement sur des sentiments douloureux mais vrais. Adrien, malgré lui, la libère de son deuil, comme il l’a fait pour les parents de Frantz.
Au fil du film, la musique prend de l’importance. Elle apaise et soulage, jouant un rôle cathartique et, pour les âmes les moins perdues, rédempteur. La morale de cette belle histoire laisse pensif : le mensonge est parfois nécessaire, par-delà le pardon, pour se reconstruire. Le souvenir n’aide pas à la libération mais aliène. La rédemption comme la damnation arrivent malgré soi et se jouent à un fil, pile ou face. Anna est sauvée de la noyade par un inconnu. Frantz, soldat malgré lui, désarmé, est abattu par Adrien, un pacifiste. Adrien en se reniant meurt à lui-même.