Nous en sommes arrivés à un point où Nicolas Hulot ne s’appartient plus. Il a par son comportement, par ses déclarations, par ses engagements successifs accédé à une notoriété et une réputation qui ne correspondent plus seulement à un quelconque monsieur Hulot. Talentueux explorateur des derniers repaires sauvages d’une planète submergée par la prolifération humaine, il a accédé au statut de prophète. Qu’il l’accepte ou pas. Il a été encore plus loin en inspirant avec plus ou moins de succès les propos de deux présidents de la République, Chirac et Hollande. En coulisse, il a donné du souffle à la Conférence Cop 21, pour le peu qu’elle en a eu. Il est devenu le représentant d’une conscience planétaire, pour ne pas dire biosphérique, bien au delà des immédiats impératifs économiques et sociaux. Il parle simplement, clairement au dessus de la mêlée. Personne ne contredit ses propos. Il a séduit les Français. Victime lors de sa candidature à la présidentielle de 2012, de magouilles pas très claires, il a assisté à une campagne écologiste assez pathétique autour de la personne d’Eva Joly. Personne très honorable mais très incompétente. Ce qui en arrangeait certains. Il représentait en effet une menace pour les équilibres névrotiques du vieux tandem gauche droite.
En 2017, la situation est différente. La montée du Front National, porteur de toutes les amertumes, risque de tout balayer sur son passage. Face à ce risque Hulot se trouve naturellement investi pas seulement par les écologistes mais bien au delà, du rôle de représentant d’un grand espoir, d’une grande aspiration mais aussi d’une grande inquiétude. Et ces mots appliqués à sa personne reprennent un sens. Il apparaît comme un homme neuf face à une collection de candidats de retour, fourbus, de seconde main ou porteurs de redoutables rancœurs.
Cette élection préalable de la faveur populaire est un phénomène rare. On a déjà assisté à des emballements dramatiques pour n’en citer que quelques uns : le général Boulanger, Hitler, Pétain, Poujade… Mais il faut se souvenir aussi des emballements heureux pour de Gaulle, Mendès France, Rocard…
Gardons notre sang froid, Hulot n’est pas de l’étoffe dont on fait des tyrans. Ce qui n’est pas le cas de tous les postulants à la présidentielle de 2017.
Sa dérobade de dernière minute en est un symptôme. Il ne se juge pas digne du rôle, il privilégie sa vie à la fonction. L’énoncé de ses scrupules énumérés dans le Monde est digne d’un Marc Aurèle « après mûre réflexion …
Conscient de l’attente et de l’espoir que certains ont placés en moi, je ne pouvais écarter d’un revers de main cette hypothèse. Mais l’honnêteté m’oblige à ne pas nourrir plus longtemps une attente que je ne pourrai satisfaire. »
« Ce que je vois, c’est une société inquiète, fragmentée et désabusée par les crises qui la traversent et par l’absence de réponse politique. Mais ce que je vois aussi, c’est un élan pour inventer un monde meilleur, plus juste et solidaire »,…« Ce que je ne peux pas, c’est endosser l’habit de l’homme providentiel et présidentiel. Je ne me sens ni suffisamment armé, ni suffisamment aguerri pour cela. »
A ceci près que Hulot, qu’il le veuille ou pas est déjà élu candidat. Il s’est au fil des années manifesté comme tel et a été promu par la faveur populaire.
Il faut répéter que l’humanité s’est mise en danger de se suicider avec le dérèglement des climats. Ce ne sont pas les illuminés du bricolage transhumaniste qui vont conjurer le péril. Ce ne sont pas les bâtisseurs de murs frontières nationales, ce ne sont pas les brexistiens cocoonistes qui vont apporter des solutions.
Hulot ne promet pas l’accès à une abondance factice. Hulot est le messager d’une réconciliation avec la Nature et non plus de son asservissement.
On peut comprendre ses scrupules et ses craintes à titre personnel. Mais il doit admettre qu’il ne sera pas seul dans cette aventure. Il suscitera des ralliements multiples et inattendus. Et il doit se souvenir de la vieille formule: « La fonction fait l’homme ».
Et Marc Aurèle encore “Tout ce qui paraît au-dessus de tes forces n’est pas forcément impossible ; mais tout ce qui est possible à l’homme ne peut être au-dessus de tes forces.”
A.H.