J’ai pu assister en septembre dernier à deux journées de la “Permaculture Convergence”, rassemblement international bisannuel qui se tenait cette année près de Londres. L’atelier qui m’a laissé le souvenir le plus fort est celui de la Fondation pour sauver la forêt pluviale (Rainforest Saver Foundation). Cette association basée à Edimbourg intervient pour le moment en Afrique (Cameroun) et en Amérique centrale (Honduras) et se fixe l’objectif ambitieux énoncé dans son titre, rien moins que de sauver la forêt tropicale, avec un moyen d’action très simple.
L’urgence d’agir à ce niveau vient des dégâts causés à la forêt pluviale tropicale par la méthode traditionnelle de culture sur brûlis (dite slash and burn). Cette méthode revient à une déforestation et un enrichissement temporaire du sol par les cendres du feu de forêt. La fertilité ainsi acquise ne dure pas (en particulier à cause de la perte de phosphore) et les agriculteurs déplacent leurs champs, désertifiant les régions tropicales dans leur progression. Le site internet de l’association http://www.rainforestsaver.org/ illustre l’impact destructeur pour le climat de l’agriculture sur brûlis par un graphique, qui indique que cette pratique à l’échelle de la planète entraîne une émission de carbone égale à quatre fois celle du Royaume Uni, très supérieure à celle de la totalité de l’Inde. La technique repose sur la plantation d’allées d’arbres du genre Inga (il en existe beaucoup d’espèces et en particulier Inga edulis, qui comme son nom d’espèce le suggère donne des fruits comestibles). Ces arbres appartiennent à la famille des Fabacées (que j’ai toujours l’habitude d’appeler Légumineuses) ce sont des végétaux capable d’absorber l’azote atmosphérique par la symbiose de leurs racines avec des bactéries. Les filaments mycéliens associés (mycorhizes) ont de plus l’avantage de préserver le phosphore du sol.
La croissance de ces arbres est rapide, même sur le sol pauvre laissé par la déforestation du slash and burn. L’ombre qu’ils développent étouffe les mauvaises herbes. Le fermier peut alors tailler les branches (slash, une technique bien en main) pour en faire un mulch fertile et produire une récolte de qualité, maïs, ananas,vanille…bio de surcroit, tout en obtenant comme sous-produit du bois, combustible pour la cuisson des aliments. La même parcelle, la même allée, peut être traitée ainsi année après année et il n’y a plus besoin de déplacer le champ.
Figures : À droite l’allée d’Inga avant la taille, à gauche après la taille, le sol est recouvert par les rameaux et le feuillage.
En toute logique cette association devrait être dotée d’un crédit illimité de la part des Nations Unies. Pour le moment elle n’existe malheureusement pas en France mais si ce petit article pouvait susciter des vocations…
Quel rapport avec la permaculture me direz-vous ? Eh bien justement lorsque j’ai planté mes fruitiers, je les ai fait alterner avec des Fabacées arborescentes, févier d’Amérique (Gleditsia triacanthos), petit pois arbustif de Sibérie (Caragana arborescens). J’ai planté dans ma haie des faux acacias (Robinia pseudacacia), des arbres de Judée (Cercis siliquastrum) et des ajoncs (Ulex europaeus) qui sont des légumineuses, mais aussi des Elaeagnaceae, chalef (Eleagnus ebbingei), goumi (E. multiflora), et argousier (Hippophae rhamnoides), qui fixent l’azote par une autre symbiose racinaire, avec des actinomycètes. Je dois avouer que je l’ai fait sans trop y réfléchir et que, comme me l’ont fait remarquer des visiteurs, il n’est pas certain que leur fixation d’azote profite aux voisins. La découverte des plantations d’Inga aura eu pour effet que je vais largement élaguer et broyer mes fixateurs d’azote maintenant qu’ils ont poussé, pour en faire un couvert végétal nutritif du sol et je vais même essayer de faire une allée d’arbres. De toutes les espèces énumérées ci-dessus, la seule qui ait une croissance rapide sur mon terrain et permette d’envisager une allée fertilisante est le robinier. J’avais confiné les robiniers à la haie du bas du terrain, loin de la maison, parce que je suis allergique à leur pollen mais si je dois les conduire en cépée ou en trogne et les tailler régulièrement ils ne fleuriront pas, tant pis pour les abeilles.
G.N.