Vous connaissez peut-être AVAAZ, l’organisation qui lance des pétitions pour des causes généreuses, vous avez même peut-être répondu à l’une de ses sollicitations, en toute bonne foi. On savait que cette ONG était un business mais après tout si c’est pour la bonne cause… Ils viennent de franchir la ligne qui les situerait clairement dans les malfaisants, en profitant de l’opinion anti-OGM et anti-Monsanto, pour collecter de l’argent dans une opération plus que douteuse si l’on en croit Kokopelli et le mouvement Semences paysannes, dont nous reproduisons les communiqués ci-dessous. Charles Ribaut
Nouvelle spéciale de Kokopelli : Avaaz, bas les masques !
ATTENTION : Kokopelli dénonce la campagne frauduleuse d’AVAAZ concernant une prétendue “bourse aux graines” mondiale. L’organisation américaine AVAAZ a lancé il y a quelques jours une nouvelle campagne de levée de fonds, intitulée « La meilleure manière d’arrêter Monsanto », et diffusée largement sur Internet et par mail, visant supposément à créer le « tout premier eBay pour semences à but non lucratif ». L’association KOKOPELLI n’est absolument pas à l’origine de cette campagne et ne connaît aucune organisation française ou européenne qui y participerait.
De plus, le courriel faisant la promotion de cette campagne prétend que « une coalition de 20 groupes et personnalités de l’agriculture durable tels que le Center for Food Safety et l’activiste Vandana Shiva sont prêts à lancer le projet. » Nous ne connaissons pas ces groupes, qui ne sont pas nommés, mais nous avons contacté Vandana Shiva à ce sujet et elle nous a répondu ceci : “I am not involved in this initiative, have never been contacted or consulted about it.” (je ne suis pas engagée dans cette initiative, et n’ai jamais été contactée ou consultée à son sujet) !!! Elle a également manifesté son indignation face à la récupération de ses nom et notoriété sur son blog SeedFreedom.
Si, sur ce blog, l’organisation américaine Center for Food Safety endosse ces manœuvres grotesques et parle « d’erreur » et de « malentendu », nous n’y croyons pas du tout. De quel type d’erreur peut-il s’agir lorsqu’il est question de lancer une campagne mondiale, dans 17 langues, pour récolter plusieurs centaines de milliers de dollars, voire des millions – car les sommes globales récoltées sont soigneusement occultées, mais ce sont déjà plus de 55.000 personnes qui ont donné – ?
Nous remarquons, de plus, que le texte de présentation de la campagne est très mal rédigé ; que ses termes sont particulièrement évasifs ; qu’il n’existe aucun site Internet relatif au projet évoqué ; que les “fermiers” et “organisations” partenaires ne sont pas nommés ; que les éventuels fournisseurs et bénéficiaires des semences ne sont pas identifiés ; que les actions projetées ne tiennent aucun compte des contraintes réglementaires qui nous obèrent depuis 60 ans, etc.
Tout cela n’est pas sérieux, et il semble donc que cette campagne soit une nouvelle imposture de l’organisation AVAAZ – dont nous-même, et d’autres, avons déjà dénoncé le caractère plus que douteux par le passé – destinée seulement à récolter des fonds auprès d’internautes généreux mais bien trop crédules.
Nous demandons donc le retrait immédiat de cette campagne – ou bien le détail exact et complet du projet évoqué dans celle-ci, s’il existe – et la transparence la plus totale sur l’utilisation des sommes récoltées, ou leur restitution aux donateurs trompés !
Nous vous recommandons donc la plus grande prudence vis-à-vis de cette campagne, et, de manière générale, vis-à-vis de l’organisation AVAAZ, et vous invitons à faire circuler ce message au plus grand nombre de destinataires possible.
L’équipe de Kokopelli – le 16 juillet 2014.
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Combattre Monsanto ou faciliter la biopiraterie ?
Au prétexte de lutter contre Monsanto, Avaaz vient d’envoyer des millions de courriels sollicitant la générosité publique afin de lancer un commerce électronique mondial de semences. Le Réseau Semences Paysannes s’interroge : les paysans ont-ils besoin d’un « magasin mondial » en ligne des semences ? Le commerce sur internet échapperait-il aux lois du commerce mondial dictées par Monsanto et les autres multinationales ? Ce que propose Avaaz ne risque-t-il pas de devenir une organisation mondiale pour faciliter la biopiraterie de ces multinationales ?
D’après Avaaz, ce projet serait conçu par « les fermiers qui résistent et préservent des graines dans des banques de semences et des granges réparties dans le monde entier ». Le Réseau Semences Paysannes, qui regroupe en France la plupart des Maisons des Semences Paysannes au sein desquelles ces « fermiers » s’organisent, n’a jamais rien demandé à Avaaz. Et il ne connaît de par le monde aucune organisation de petits paysans qui puisse concevoir un tel projet.
Les petits agriculteurs travaillent plutôt dans leurs champs que sur internet. Ils produisent et vendent de la nourriture. Seules les entreprises semencières vivent du commerce des semences. Les petits agriculteurs qui pratiquent l’agro-écologie paysanne ont d’abord besoin de pouvoir sélectionner et multiplier leurs semences localement, afin de les adapter à leurs propres conditions de culture et aux changements du climat tel qu’ils se manifestent dans leurs propres champs. Ils n’ont pas besoin de semences sélectionnées et multipliées à l’autre bout de la planète qui exigent de grandes quantités d’engrais et de pesticides chimiques pour s’adapter à leurs conditions de culture locales auxquelles elles n’ont pas été préparées. Quelques échantillons de semences venant d’ailleurs les aident parfois à renouveler la diversité de leurs semences locales. Ces échanges de petites quantités de semences sont indispensables lorsque les agriculteurs ont perdu leurs semences locales et aussi pour faire face à l’accélération des changements climatiques. Mais lorsqu’ils en reçoivent, les agriculteurs doivent d’abord les sélectionner pour les adapter à leurs propres conditions de culture avant de pouvoir les cultiver à grande échelle. Il arrive aussi que les stocks de semences paysannes locales soient détruits par une catastrophe climatique ou des guerres. Les agriculteurs doivent alors se fournir auprès de leurs voisins les plus proches, éventuellement dans un pays voisin, mais pas sur un marché mondial des semences lesquelles seront inadaptées à leurs conditions de culture et leur imposeront l’utilisation d’engrais et pesticides chimiques.
Les agriculteurs s’organisent pour faciliter ces échanges directement entre eux, malgré les lois dictées par les multinationales qui tentent de le leur interdire. Pour cela, ils se rencontrent pour se transmettre aussi leurs connaissances associées à chaque graine. S’il leur arrive de créer des entreprises artisanales qui diffusent leurs semences via Internet, c’est toujours à petite échelle. Mais ils n’ont pas besoin que toutes leurs semences paysannes et toutes leurs connaissances soient mises en vente dans un immense « magasin mondial » sur internet qui échappera nécessairement à leur contrôle. De plus, cela ne ferait que faciliter le travail des multinationales qui recherchent de nouvelles semences susceptibles d’être brevetées et ont besoin pour cela d’accéder aussi aux connaissances des agriculteurs afin de savoir lesquelles de ces semences possèdent les bons caractères à breveter. Ces brevets interdiront aux agriculteurs de continuer à utiliser les semences qu’ils auront ainsi données gratuitement aux multinationales. Les agriculteurs ne souhaitent pas faciliter ce vol de leurs semences par les brevets des multinationales.
Enfin, Avaaz ne dit pas à qui sera confié l’argent récolté, ni qui le gérera .
Les agriculteurs sont heureux lorsque des ONG les aident à s’organiser. Mais ils n’ont pas besoin d’ONG qui tentent de mobiliser la société civile en leur nom pour des objectifs qui ne sont pas les leurs. Pour pouvoir sélectionner et produire localement leurs semences, les agriculteurs ont besoin que leurs droits de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre leurs semences soient reconnus et appliqués dans chaque pays. Ils ont besoin d’une mobilisation de la société civile pour interdire dans tous les pays de la planète les lois et les brevets sur le vivant qui entravent ces droits.
Le Conseil d’Administration du Réseau Semences Paysannes.
Contact: Patrick De Kochko, patrick@semencespaysannes.org, 00 33 6 17 06 62 60 ou 00 33 5 53 84 44 05