Par Michèle Valmont
En 1934, Stefan Zweig, conscient de la montée du nazisme, décide
brutalement de quitter Vienne pour Londres. Sa femme, Fridericke, reste en Autriche ; il s’installe donc seul pour écrire une biographie de Marie Stuart avec l’aide d’une jeune secrétaire, Lotte, qui deviendra plus tard sa seconde épouse.
C’est ce moment de transition qu’a choisi de raconter Monique Esther Rotenberg. Transition entre deux mondes, entre deux femmes. Qui est la femme silencieuse ? Tout d’abord le titre d’un opéra de Richard Strauss dont Stefan Zweig a écrit le livret, mais aussi la discrète Lotte, intimidée et éblouie par l’écrivain, ou plutôt Fridericke, choisissant de se taire devant les frasques de son mari et devant l’hitlérisme afin de persuader Stefan de regagner Vienne avec elle….
La pièce se joue dans un décor réaliste et intime. On entend dans les intervalles des thèmes straussiens évocateurs de l’amitié qui liait les deux hommes. Le texte, dense et alerte, entremêle brillamment les événements historiques et la vie intime de Zweig. En dictant sa biographie de Marie Stuart à Lotte, l’écrivain se dévoile : lucide, abrupt, déchiré entre son passé et l’avenir qu’il pressent terrifiant. Lotte est subjuguée et le restera sa vie durant puisqu’elle accompagnera Stefan dans la mort au Brésil.
Pierre-Arnaud Juin est un Stefan Zweig éblouissant, capable d’exprimer, d’un regard ou d’une inflexion de voix, aussi bien la puissance du créateur que le pessimisme de l’homme.
Le rôle fort de la pièce est celui de Fridericke, incarné par Corinne Jaber, impressionnante de vérité, bouleversante de douleur contenue devant la fuite de l’homme qu’elle aime.
Quant à Olivia Algazi, elle joue à la perfection la gaucherie touchante de la jeunesse, préfiguration d’un futur heureux qui se terminera dans la tragédie du suicide.
Ce spectacle est riche d’ émotions subtiles qui s’adressent autant au cœur qu’à l’esprit. C’est rare et précieux.
Michèle Valmont
Théâtre du Petit Hébertot : 01 42 93 13 04
