par Anne Pignard
La bombe atomique est tombée sur Nagasaki… Le champignon nucléaire accompagne les premières notes de l’opéra, puis apparaît le décor du premier acte : une cabane en planches mal dégrossies, des arbres sans feuilles ; on devine un coin de plage et la mer calme, indifférente. Le tout est noyé dans la poussière et la cendre.
Daniel Benoin, Directeur du Théâtre National de Nice et metteur en scène, transpose Madama Butterfly, opéra de Puccini créé en 1904 à la Scala de Milan, à l’année 1945 dans un Japon ravagé.
L’intrigue initiale, fruit de l’engouement des Européens pour la culture japonaise au cours de la seconde moitié du XIXème siècle, se trouve ainsi confrontée à la cruauté et à l’inconséquence du temps présent.
Le monde de Butterfly, où le papillon, emblème de la femme associé à la grâce et symbole du bonheur conjugal, peut nous paraître un peu désuet. Puccini, peintre de l’âme humaine, décrit la passion sincère et absolue d’une jeune fille éperdument amoureuse pour Pinkerton, un lieutenant de marine yankee insouciant. La jeune geisha que ses amies appellent Butterfly, tournant le dos aux traditions de son pays, remet son avenir entre les mains d’un mari inconsciemment cruel qui l’abandonne pour épouser sa fiancée américaine.
La mise en scène met en évidence le choc des cultures, la puissance de l’homme sur la femme, de l’Amérique sur le Japon. C’est aussi le choc entre le passé et le présent que Daniel Benoin a voulu marteler avec cette production décalée. Du coup, l’historiette un peu mièvre de l’origine, prend tout son sens cruel, car les projecteurs sont dirigés sur un monde d’hommes inconséquents et sans scrupules.
L’opéra est servi par une distribution de très bonne tenue. Nous avons particulièrement remarqué la roumaine Cellia Costea dans le rôle-titre. L’ensemble a été bien soutenu par les chœurs de l’Opéra de Nice et par la direction du chef hongrois György G. Rath. Nous avons apprécié notamment le bel effet cendré des costumes de Nathalie Bérard-Benoin, mais les lumières et les halos autour des personnages, un peu trop crus, auraient pu parfois être un peu atténués.
Dans l’ensemble, cette transposition hardie de l’œuvre s’est révélée efficace et nous a comblés.
Anne Pignard