par Michèle Valmont
Mettre Phèdre en scène est une entreprise aussi risquée que de mettre une pyramide dans une bouteille. La Comédie Française nous propose une version “up to date” revue par les Grecs. La mise en scène de Michael Marmarinos est déconcertante. Il a tenté de contemporaniser Phèdre avec divers gadgets, dont un poste de radio qui crachote en fond sonore, un micro de music hall et un Hippolyte déguisé en inspecteur Colombo… Etait-ce nécessaire ? Certes Racine s’aggrave avec le temps. La splendeur marmoréenne de ses alexandrins devient de plus en plus inaccessible aux jeunes spectateurs d’aujourd’hui.
Faut-il tirer Racine vers nous, ou bien nous contraindre à l’effort d’aller vers lui? Je crois que nous n’avons pas le choix. On ne modernise pas Notre Dame de Paris.
Ce qui fait toute la beauté de Phèdre c’est son hiératisme, sa mélopée tragique, sa stridence, son incantation. Les frisotis innovateurs sont absolument inutiles. Il faut seulement se laisser porter par la monotonie hypnotique des alexandrins. Relisez Phèdre chez vous, déclamez le sur votre balcon.
Les acteurs sont excellents, même si pas toujours audibles au fond de la salle. On saluera particulièrement Clotilde de Bayser, remarquable Oenone, Samuel Labarthe, superbe Thésée, Pierre Niney, Hippolyte sensible, et bien sûr Elsa Lepoivre, belle Phèdre à la douleur convaincante. Le décor de Lili Pézanou ouvrant sur la mer par trois fenêtres permet une excellente utilisation de la lumière. La musique de Dimitris Kamarotos est agréable mais inutile.
Le commentaire de Michael Marmarinos que vous lirez sur le programme est un chef-d’oeuvre d’obscure prétention.
Michèle Valmont