par Romain De Oliveira
Depuis 2008, le prix Pinocchio attribue un zéro pointé aux entreprises peu responsables sur le plan social et environnemental.
Qui sont les mauvais élèves du développement durable? C’est pour les pointer du doigt et les pousser à agir que les Amis de la Terre ont créé la cérémonie un brin satirique du prix Pinocchio en 2008.
Cette année, après plusieurs semaines de votes des internautes, les urnes ont parlé. Parmi le “gratin” d’entreprises citées cette année (Auchan, BNP, Urbaser ou Perenco), ce sont finalement Lesieur, Bolera Minera (consortium formé des entreprises Bolloré et Eramet) et Areva qui “remportent” cette cinquième édition.
Entre fausse cérémonie et volonté de mobiliser les pouvoirs publics, le prix Pinocchio est décerné dans trois domaines différents: greenwashing, destruction de l’environnement et non-respect des droits de l’Homme.
Pas sûr pourtant qu’il y aura foule pour récupérer les récompenses: “Ils n’ont pas l’habitude de se déplacer”, plaisante Romain Porcheron, responsable RSE au sein de l’ONG des Amis de la Terre.
Des entreprises pointées du doigt
Parmi les trois lauréats du cru 2012, seul Areva a bien voulu répondre à quelques-unes de nos questions. Le groupe industriel français spécialisé dans le nucléaire est en effet cité dans la catégorie “Mains sales, poches pleines” (non-respect des droits de l’Homme), pour son refus “de reconnaître sa responsabilité dans la dégradation des conditions de vie de populations africaines”, selon les Amis de la Terre.
L’entreprise qui dit déplorer ce type d’initiative de la part d’une ONG, a surtout assuré “tout mettre en œuvre pour limiter l’impact de ses activités sur l’environnement et les populations” et rappelle que “plus de 25 millions d’euros ont ainsi été investis depuis 2004 dans l’aide aux populations locales en Afrique.”
De son côté, Lesieur a fait la sourde oreille à nos demandes d’entretien. Cette entreprise souvent citée en exemple pour sa politique en matière de développement durable, était cette fois taxée de “greenwashing”.
Dans une campagne publicitaire, Lesieur s’était en effet engagé auprès de l’Unicef notamment, pour venir en aide aux populations de Djibouti (dans la Corne de l’Afrique) souffrant de famine. “Mais la maison mère de Lesieur [Sofiprotéol] est un gros producteur d’agrocarburants, responsables d’expropriations et de hausse des prix agricoles notamment”, explique Romain Porcheron.
À travers la coentreprise Bolera Minera, nommée dans la catégorie “Un pour tous, tout pour moi”, les multinationales Bolloré et Eramet (contactées sans réponse pour le moment) sont mises en cause pour l’obtention d’un permis d’exploration pour la recherche de lithium en Argentine.
Exceptionnellement cette année, un prix d’honneur a également été attribué à l’entreprise française de BTP Vinci, notamment pour sa participation au très contesté projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes (en Loire-Atlantique): “Lauréat l’an passé dans la catégorie ‘Plus vert que vert’ et de nouveau nommé cette année, Vinci ne pouvait être exempt de toute récompense”, indique Romain Porcheron.
Alerter le grand public avant tout
Ce “Festival de Cannes” pour entreprises, où l’ironie est évidemment de rigueur, est surtout pour les Amis de la Terre l’occasion d’alerter le grand public sur des questions très précises: “Nous souhaitons une réaction des pouvoirs publics, pour dessiner un vrai cadre législatif à l’attention des entreprises”, argumente Romain Porcheron.
Interrogé lors d’une précédente édition du prix, le directeur général de l’agence de conseil Be-linked, Jérôme Auriac, explique que l’objectif du prix n’est pas de dialoguer, mais d’interpeller: “On pourrait mettre en doute la méthodologie de sélection. Mais cette subjectivité est assumée.”
Crédit photo: Romain De Oliveira