par Colette Gutman
Dès novembre 1973, dans l’un de ses premiers numéros (voir reprint du 30 août), Le Sauvage donnait son avis sur le projet de la transformation de la rive gauche de la Seine en autoroute, afin, selon les déclarations du Président Pompidou, «d’adapter Paris à la bagnole». En 2012, soit près de quarante ans après, il est question de rendre les berges progressivement, portion par portion, aux piétons. C’est commencé, ça ne s’arrêtera pas, comme à Londres, Rome, Bologne, Milan…
Dans un article probablement écrit à la lueur de la bougie par une bande d’écologistes passéistes, nous dénoncions l’inutilité, le gâchis, l’erreur…voire la stupidité du projet de ces onze kilomètres de ruban bétonné d’est en ouest, de périphérique à périphérique, sans croisements, sans passages, sans signalisation.
Le principe d’une voie de chaque côté de la Seine remontait à une dizaine d’années. Celle de la rive droite connaissait depuis 1967 une lente détérioration. D’après la préfecture de Paris, il avait été constaté elle n’avait « pas permis un allègement du trafic sur les quais hauts » mais l’avait au contraire augmenté et détérioré.
Qu’importe, Pompidou aimait sa bagnole et tenait à sa voie.
De plus en plus de voitures, de plus en plus de travaux. Déjà, un spécialiste parisien de la circulation nous avait confié sa peur de voir Paris étouffé par les voitures, ce qui justifiait à ses yeux l’aménagement du ruban bétonné, tout en reconnaissant que cela ne suffirait pas et qu’un jour il y aurait « une voiture de trop ». Ce jour-là, il faudrait prendre des mesures de restriction de la liberté individuelle. En résumé, il fallait commencer par construire la voie, on verrait bien après. Il serait toujours alors temps de faire marche arrière. Nous y sommes.
En fait, l’accroissement du nombre de voitures, on le sait maintenant, mène obligatoirement à une impasse : gangrène automobile, polluante, fumante, sonore, policière. Il conduit aussi parfois à la mort, celle d’automobilistes et de piétons.
Pour les personnes venant travailler à Paris, est-il impensable de relier des voies ferrées qui assureraient une liaison rapide dans les deux sens ? Pour les Parisiens, est-il impossible d’améliorer le confort, le nombre et la rapidité des transports en commun ? Hélas la réponse aujourd’hui démontre le contraire. Après avoir attendu jusqu’à 20 minutes (ligne 83 à Paris !) un autobus qui exige un entraînement sportif de haut niveau pour simplement tenir debout dans le couloir, sans aucun endroit réservé pour les bagages, avec parfois un enfant dans les bras…Les transports en commun, aujourd’hui, dans des axes pourtant réservés ressemblent à des bétaillères. Pourquoi ? Combien d’années d’études, de concours d’entrée faut-il pour concevoir un véhicule qui respecte ses passagers ? Et ce mode de transports indécent n’encourageraient-t-il pas de plus en plus de gens à (re)prendre leur voiture ? Où est l’intérêt général dans tout ça ?
On recommence à marcher sur les berges, on le fera de plus en plus, la voie express rive gauche n’existera bientôt plus. Pour en revenir aux fondamentaux : qui est passéiste, et qui ne l’est pas ?
C.G