par Robert Perez
« LE ROMAN DE MADRID »Philippe NOURRY Editions du ROCHER
L’efficacité et l’ingéniosité de ce livre tient au fait que l’auteur a choisi pour raconter l’Histoire d’un pays un axe stratégique: toute l’Histoire est vue à travers l’évolution d’une ville, devenue tardivement après Valladolid et Tolède, la capitale incontestable d’un royaume: Madrid.
Surgie du désert castillan par la volonté d’un roi, Philippe II, elle va devenir à partir du XVIème siècle la matrice historique de l’Espagne. Mieux, l’auteur, Philippe Nourry, servi par une documentation très fouillée, raconte d’une plume vivante et non académique, non seulement l’Histoire de l’Espagne, mais aussi celle de Madrid, tumultueuse, riche en soubresauts et en coups de théâtre.
On progresse aisément dans la lecture des siècles par des divisions en chapitres, dont les titres sont éclairants, chacun apportant, nourri souvent d’anecdotes, son poids d’Histoire avec les conséquences qui en résultent pour tout le pays. Certains s’attardent plus longtemps que d’autres: ainsi le passage des Habsbourg aux Bourbons après deux siècles de déclin politique et économique ne se fait pas sans surprises ni rebondissements. Charles II, le dernier des descendants de Charles Quint, étant mort sans héritier en 17OO, la volonté de Louis XIV d’imposer son petit-fils, le duc d’Anjou – qui deviendra Philippe V – ouvre la guerre européenne de Succession d’Espagne et la première guerre civile qui opposera Barcelone à Madrid. Des personnages hauts en couleur sont des héros familiers, tantôt positifs, tantôt négatifs, comme Don Juan d’Autriche, frère bâtard de Philippe II, héros de Lépante – où “Cervantès perdit l’usage de sa main gauche” – ou comme Madame d’Aulnoy, auteur de contes de fées et aussi espionne empoisonneuse de Louis XIV à la cour d’Espagne, et font de l’Histoire de Madrid une véritable aventure romanesque.
On ne peut manquer de remarquer des éclairages intéressants et fort instructifs sur la guerre civile de 1936, sur le franquisme et l’Eglise et surtout sur le rétablissement de la monarchie et de la démocratie avec l’avènement de Juan Carlos, sans oublier le retentissement de la Movida sur les arts et les mœurs.
Bref, un livre qui se lit comme un roman et qui porte bien son titre.
Robert Perez