par Alain Hervé
Il faut profiter du gris de l’hiver pour effectuer des plongées profondes dans sa bibliothèque ou à la bibliothèque du quartier. Le pernicieux ennui que distille la campagne présidentielle fournit un suffisant prétexte.
Un livre que l’on avait prêté et oublié revient soudain et vous tend la main. C’est le « Ca » de Groddeck. On l’avait lu il y a vingt ans et le ça vous avait depuis trotté dans la tête. C’était devenu un vieil oncle qui quelquefois apportait la lumière dans une énigme récalcitrante. Grâce au ça vous aviez enfin compris l’étrange comportement de votre ami Louis. Le ça c’est ce qui se trouve derrière et dessous. Il y a du ça dans le sexe, dans la mémoire, dans les rêves, dans les projets, dans l’imagination… Il y a du ça partout.
Pour quoi le ça vous a mené à « Moby Dick » ? à Giono qui l’a traduit, à la vie de Melville, à « Typee », à Rollin le médecin des îles Marquises qui a raconté l’effondrement de ces petites sociétés tribales, pétries de finesses, de plumes, de tatouages, de dégustations anthropophages, de délires nocturnes, de sculptures admirables jetées au feu par les missionnaires.
Le monde est ainsi fait. Il coule son fleuve autour de nous. On le regarde passer charriant le meilleur et le pire. On ne sait pas comment on se trouve là.
La lecture étant un des bonheurs de la vie, on note dans le dernier bouquin de Jean-Paul Dubois, emprunté à la bibliothèque, « Le cas Sneijder » une délectable définition : « La vie, ce sport individuel … qui mériterait d’avoir été inventé par un Anglais bipolaire » Assis devant le feu de ma cheminée, je voudrais relire “Ma cheminée et moi” de Melville. Je sais qu’il est quelque part dans ma bibliothèque. Je vais le chercher.
Allez relire et lire. Bientôt le printemps.