par Claudio Rumolino
Les centrales nucléaires n’apportent qu’une contribution négligeable à la lutte contre le changement climatique.
Le tout premier risque à combattre de toutes nos forces reste le risque d’accident nucléaire majeur. Car comme le disait Roger Belbéoch, c’est avant qu’il faut agir. Après il n’y a qu’à subir. Si l’accident de Fukushima ne nous a pas encore appris cela, c’est à désespérer de la nature humaine.
Ce risque d’un accident majeur n’est plus écarté, même officiellement. André Claude Lacoste, le patron de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, nous le rappelait en 2011. Ce qui semble être une évolution majeure dans la doctrine de cet organisme. Du moins officiellement, car on savait que des plans spécifiques de crise post-accidentelle se préparaient déjà dans les coulisses du pouvoir.
Et on ne parle pas ici des autres inconvénients majeurs de la poursuite de l’exploitation du nucléaire civil, suffisamment bien connus et documentés pour prétendre de les ignorer : le stockage et la gestion de déchets radioactifs pour l’éternité.
Pour donner la mesure de ce fléau rappelons qu’il suffit d’une dose de 30 microgrammes d’oxyde de Plutonium pour obtenir une dose létale. Avec ses 11 tonnes de Plutonium issus chaque année de notre parc de réacteurs, la France dispose à elle seule de quoi anéantir la moitié de l’humanité chaque année. Alors que notre pays ne dispose « que » du huitième du nombre de réacteurs en activité dans le monde.
On ne sait toujours pas vraiment quoi faire de ce Plutonium (à part des bombes).
En ce qui concerne la lutte contre les changements climatiques, les acteurs de la filière nucléaire, AREVA et UMP en tête, nous ressassent depuis une quinzaine d’années que leur activité est l’une des meilleures réponses pour éviter d’aggraver la situation. Voyons cela de plus près.
L’humanité consomme (puise dans la nature) chaque année 142 PWh (un PetaWattheure égale mille milliards de kWh) d’énergie primaire, toutes sources confondues. Avec un rendement de 69 %, nous consommons en réalité 98 PWh d’énergie finale. Le reste, soit 44 PWh, est perdu.
Dans ces 142 PWh, 55 PWh sont consacrés à produire de l’électricité ; 55 PWh d’énergie primaire avec laquelle on n’obtient que 20,2 PWh d’électricité avant distribution, soit 16,8 PWh d’électricité finale distribuée ; ce qui représente un rendement de 30 % seulement sur l’ensemble de la chaîne, hormis l’(in)efficacité des appareils électriques eux-mêmes.
Il est à noter que le résultat du poids des pertes occasionnées par la production et la distribution de l’électricité dans le total des pertes occasionnées par notre consommation d’énergie est tout à fait remarquable : 38 PWh perdus sur un total perdu de 44 PWh.
Une fois posée cette grande inefficacité du système électrique, voyons quelle est la part du nucléaire dans celui-ci : sa production ne représente que 13,5 % de l’électricité totale consommée dans le monde (2,3 PWh sur un total de 16,8 PWh).
Sachant que, comme nous l’avons vu plus haut, l’électricité ne pèse que 17 % (16,8 / 98 PWh) de l’énergie finale consommée, l’électricité d’origine nucléaire ne représente que 2,3 % (2,3 / 98 PWh) de l’énergie finale consommée par l’humanité.
Si, en plus de ce constat, on considère le fait que la part de la production d’énergie ne représente qu’environ la moitié de la totalité des émissions de gaz à effet de serre (GES) par l’agriculture, l’industrie, etc, cela vous donne une idée de la part insignifiante de la contribution du nucléaire au règlement du problème du dérèglement climatique.
Les leviers d’action pour lutter contre le risque induit par les GES d’origine humaine sont très nombreux ailleurs que dans la production d’électricité.
N’est-il pas temps de dénoncer avec force la mascarade ?
Claudio Rumolino
Claudio Rumolino est énergéticien et géographe. Actuellement chargé de mission chez Valorem, producteur d’énergies renouvelables basé à Bègles. Sa mission est de monter des mécanismes d’investissement participatif pour donner la possibilité aux riverains des parcs éoliens de s’approprier une partie de l’installation et capter une partie de la richesse générée localement. Il s’occupe également de financements innovants pour la rénovation énergétique des logements anciens