par Laurent Samuel
A part deux échanges vifs sur le nucléaire dans le 1er débat, et sur la fiscalité « verte » dans le 2e, l’écologie est restée aux « abonnés absents » des primaires citoyennes. Sauf erreur de ma part, les mots « réchauffement climatique », « biodiversité » ou « protection de la nature » n’ont jamais été prononcés.
Si les candidats à la candidature reconnaissent tous désormais la gravité de la crise économique et de la dette publique, ils semblent ignorer le caractère tout aussi aigu de la crise écologique. A leurs yeux, l’écologie paraît se résumer à la « sortie du nucléaire » (histoire surtout pour ses partisanes, Martine Aubry et Ségolène Royal, de se faire bien voir de l’électorat écologiste et des dirigeants d’Europe Ecologie les Verts) et à la « croissance verte ».
Sur son blog Biosphère et sur le site des JNE (Association des journalistes et écrivains pour la nature et l’écologie), Michel Sourrouille a comparé les propositions des cinq candidats socialistes à la primaire. Son bilan n’est guère encourageant, pas plus que le comparatif réalisé par le site Débats 2012 de la Fondation Terra Nova (proche du PS), incluant Jean-Michel Baylet.
Alors, que peuvent faire ceux qui se soucient d’écologie sans pour autant s’être ralliés à Eva Joly, Corinne Lepage ou François Bayrou (soutenu par deux anciens secrétaires généraux des Verts, Jean-Luc Bennahmias et Yann Wehrling) ? Et qui apprécient qu’un parti politique leur demande leur avis pour le choix de son candidat à la Présidence de la République ? Et qui ont suivi avec intérêt ces trois débats de bonne tenue ?
Certains écologistes penchent pour Martine Aubry, car, disent-ils, c’est la candidate qui s’est engagée le plus nettement en faveur de la sortie du nucléaire. Pourtant, le fait qu’elle refuse de se prononcer pour l’abandon de l’EPR en construction en Flamanville suffit à montrer que sa position relève de l’opportunisme, voire du double discours.
D’autres sont séduits par Ségolène Royal, sa « croissance verte », sa volonté de faire de la France la « première puissance écologique » d’Europe et son inlassable promotion de la voiture électrique Heuliez. Mais son refus obstiné de la taxe carbone et sa mise en avant abusive de Charente Poitou comme « première région écologique d’Europe » me semblent rédhibitoires.
Plus nombreux sont ceux qui penchent pour Arnaud Montebourg. Pour eux, le discours de ce dernier en faveur de la « démondialisation » rejoint la priorité donnée par les écologistes à une relocalisation de l’économie. Cependant, Arnaud Montebourg est pronucléaire et, avec lui (comme avec Ségolène Royal), on en reviendrait à une économie administrée par l’Etat, ce qui ne semble pas une bonne voie pour sortir de la double crise, économique et écologique.
Contre ce retour des « vieilles lunes » socialistes, Manuel Valls apporte (à mon humble avis) une bouffée d’air frais avec sa défense de l’entreprise, de la laïcité et de la sécurité des citoyens. Hélas, l’écologie est à mille lieues de ses préoccupations.
Quant à Jean-Michel Baylet, il a le mérite de porter, comme le Partito Radicale italien de Marco Pannella dans les années 70-80, des revendications « sociétales » négligées par les autres candidats, comme le droit de mourir dans la dignité ou de fumer du cannabis. Mais, malgré sa récente alliance radicale-cassoulet avec Génération Ecologie repris par Yves Piétrasanta, Jean-Michel Baylet a laissé apparaître sa méconnaissance du dossier de l’énergie en affirmant lors du 1er débat que les écologistes étaient pour une sortie immédiate du nucléaire !
Alors, reste François Hollande. Certes, son refus de s’engager pour la sortie du nucléaire l’a fait mal voir de beaucoup d’écologistes. Toutefois, sa position a au moins le mérite de la franchise. Et le « tiens » de Hollande (une réduction de la part du nucléaire à 50 % de la production électrique en 2025) vaut peut-être mieux que le « tu l’auras » d’Aubry (sortie en nucléaire en 2050, date où elle fêtera ses 100 ans…).
Au-delà de ces considérations, François Hollande a pour moi plusieurs qualités essentielles pour briguer la Présidence de la République : le calme, le souci du consensus, le sens de l’humour (dont ses concurrents sont tragiquement dénués !) et surtout la gentillesse. Une « vertu » éminemment écologique que certains brocardent en la confondant avec la mollesse. Pourtant, le « gentil » Barack Obama n’a pas si mal réussi, au moins pendant sa campagne présidentielle de 2008…
C’est pourquoi François Hollande me semble le « meilleur choix ». Mais, s’il est désigné au terme de la primaire, il faudra la pression d’une candidature authentiquement écologiste pour le contraindre à évoluer sur un sujet, l’écologie, qui reste largement étranger à son univers mental.
Laurent Samuel