De la nécessité d’être heureux

25 mai 2011,

Et si vivre dans la joie était plus salutaire, pour nous-mêmes comme pour la planète, que de dénoncer tout ce qui met cette dernière en péril

Par Michka

L’hiver 1969 – celui où je découvris Silent Spring, le livre de Rachel Carson qui mit le feu aux poudres écologiques – a laissé en moi un souvenir lumineux.

Quittant nos postes de prof dans le sud de l’Angleterre, nous étions partis à l’aventure, mon compagnon et moi, sur un petit voilier conçu pour « la croisière en estuaire ». Après avoir traversé la Manche et caboté le long de la côte Atlantique, nous avions emprunté le canal du Midi puis navigué jusqu’à Alicante, où nous hivernions.

Il n’y avait pas encore de marina dans le port d’Alicante. Les quelques yachts de passage étaient amarrés les uns à côté des autres, cul à quai. Nous avions pour voisins un voilier ventru qui surplombait notre mince esquif. Les navigateurs qui vivaient à bord – un Américain et une Suédoise – mariaient le goût de l’aventure et le raffinement d’une façon qui me fascinait : elle cuisinait des currys délicieux qu’elle servait, sur la table du carré, dans de précieux plats en porcelaine bleue hérités de sa famille.

Comme il est d’usage sur les voiliers habités, où il n’est de place que pour les objets utiles, nous échangions les livres que nous avions lus. C’est ainsi que je découvris Silent Spring. L’auteur y annonçait les printemps silencieux qui allaient être les nôtres – les oiseaux exterminés par les pesticides – si nous persistions à empoisonner la planète avec les substances mortifères issues de l’industrie chimique.

Alors même que je goûtais à un sentiment de liberté dont je n’avais même pas soupçonné l’existence, mes épaules se chargeaient d’un poids nouveau. Nous étions en train d’assassiner la planète.

« The Big Shift »

Écologie, psychédéliques, physique quantique ; les années 1960/1970 furent prolifiques, de mille façons.

De jeunes physiciens de l’université de Berkeley trempant agréablement dans les sources chaudes californiennes, explorant à la fois le LSD et le théorème de Bell, allaient révolutionner notre cosmogonie. La réalité s’avérait infiniment plus complexe que nous ne l’avions crue, car elle variait en fonction de celui qui la regardait. L’observateur modifie ce qu’il observe. Autrement dit, il y participe. Il n’y a de réalité que subjective, personnelle.

Vinrent les années 1980. J’élevais mes enfants, pleinement concentrée sur les nécessités matérielles de la réalité en trois dimensions ; inspirée par les gestes qui sont bénéfiques pour la planète comme pour nous-mêmes. Manger bio, et local. Choisir des matériaux naturels, des énergies renouvelables. J’écrivais des articles destinés à alerter l’opinion sur les effets délétères – pour la santé de la Terre et pour la nôtre – de notre agriculture chimique.

Puis ce furent les années 1990. Parfois, je m’interrogeais. J’avais l’impression que quelque chose m’échappait. Où était donc passée la bouillonnante énergie des années 1970, et le sentiment que tout était possible, si l’on voulait s’en donner la peine ? Où se trouvait la nouvelle « frontière », au sens que les Américains donnent à ce terme, c’est-à-dire la limite (sans cesse repoussée) qui sépare le connu de l’inconnu ?

Jusqu’à ce qu’un ami me fasse connaître la nouvelle génération de livres qui m’a fait renouer avec l’excitation que l’on ressent à défricher des contrées inexplorées. C’est avec délice que j’explore cette nouvelle frontière. Et j’observe, dans les écrits anglo-saxons, l’émergence d’un nouveau terme pour la décrire : « The Big Shift ». Le changement de niveau –  car c’est cela dont il s’agit : du passage à un nouveau niveau de conscience. D’une transformation radicale de notre système de pensée. Il s’agit, ni plus ni moins, de tourner la page de l’ère matérialiste.

La science a longtemps considéré que seul existait ce qu’elle savait expliquer. Que la conscience naît de la matière. Or il apparaît aujourd’hui que c’est l’inverse. La conscience précède la matière ; elle la crée. Conclusion inéluctable : on ne saurait régler un problème matériel avec des solutions matérielles. Pour modifier la réalité en profondeur, il faut en passer par le psychique, par le spirituel.

L’heure est venue de renouer avec ce que nous ne comprenons pas. Avec le mystère de la vie. La conscience ne résulte pas de la rencontre accidentelle d’atomes et de molécules. Nous sommes divins par essence. Nous co-créons le monde. L’univers est holographique. Toute partie est en relation cachée et instantanée avec toute autre. Le tout agit sur la partie et vice-versa. Changer notre réalité personnelle (la partie) est la seule façon dont nous puissions changer la réalité globale (le tout).

Divins par essence

Nous créons notre réalité par nos pensées – ou, plutôt, par nos croyances. Car celles-ci fonctionnent comme des aimants : elles attirent à elles des éléments de même niveau vibratoire (c’est ce que l’on nomme parfois la loi de l’attraction).

Seth, « l’essence de la personnalité d’une entité non incarnée » qui, dès la fin des années 1960, dicta mot à mot, à la virgule près, des livres entiers par la voix de Jane Roberts, l’exprime subtilement : « you get what you concentrate on ». Nous créons ce sur quoi nous faisons porter notre attention. Et cette notion est capitale.

Le passé et le futur sont des illusions créées par nos sens. Seul existe l’instant présent, dans lequel coexiste ce que notre système de perception nous fait percevoir comme des évènements qui se sont déjà produits, ou qui ne se sont pas encore produits.

Toutes les versions possibles d’un même évènement existent, également valides (ce sont les réalités probables). Nous attirons à nous, nous co-créons, celles auxquelles nous croyons. La création se crée elle-même, à tout instant, dans l’éternel présent.

L’heure est venue, pour l’humanité, de reconnaître cette responsabilité, et de l’assumer ; de faire désormais en conscience, délibérément, ce que nous accomplissions jusque-là à notre insu.

L’heure de l’écologie spirituelle a sonné. Il faut désormais faire en nous la chasse aux pollutions intérieures que sont les idées noires et les émotions négatives. Car ce que nous nous infligeons à nous-même, nous l’infligeons au tout.

Toutes affaires cessantes, retrouver la joie de vivre

Voici un demi-siècle que nous sommes collectivement hypnotisés par la croyance selon laquelle la planète (ou plutôt le genre humain) court à sa perte. Et la liste de tout ce qui va mal, et même très mal, ne cesse de s’allonger. Nous fonçons vers la catastrophe, comme un papillon inexorablement attiré vers la lumière.

Tsunamis, tornades, tremblements de terre, éruptions volcaniques et catastrophes diverses : Gaïa multiplie les mises en demeure. Nous sommes confrontés aux prémisses d’une crise éliminatoire (au sens que la médecine naturelle donne à ce mot – les symptômes de « la maladie » constituant de fait une crise visant à rétablir l’équilibre qu’est la santé).

Au train où vont les choses, nos prédictions les plus funestes sont en passe de s’accomplir, dans ce que les Anglo-saxons nomment « a self-fulfilling prophecy » (une prédiction qui crée sa propre réalité).

Nous créons ce sur quoi nous faisons porter notre attention. L’état de la Terre dépend de notre contenu mental. Quand nous nous concentrons sur les scénarios catastrophes, nous leur donnons de la force. Quand nous scrutons les maux de la planète, nous les aggravons.

Il en va au-dedans de nous comme au-dehors. Le monitoring de notre contenu mental doit être notre priorité absolue. Nous devons mettre toute notre énergie à échafauder des scénarios heureux – uniquement des scénarios heureux.

Si nous voulons réellement préserver la vie dans ce qu’elle a de plus fragile et de plus émouvant, nous devons redécouvrir les capacités de notre propre corps à se régénérer, nous devons placer notre foi dans la vitalité de la Terre et dans ses capacités d’auto guérison.

Il n’est pas de tâche plus urgente que de retrouver, toutes affaires cessantes, la joie de vivre.

Michka

michka@mamaeditions.net

Michka a longtemps été auteur et journaliste. Elle a cofondé Mama Editions en l’an 2000 et vient de publier le deuxième volume d’un récit autobiographique, De la main gauche, Journal 2. (Voir chronique de Coline)