Vies de Job, Pierre Assouline

15 avril 2011,



par Alain HERVE

On se souvient du son de sa voix dans l’émission matinale de France Culture pendant des années. Il a donné un ton que ses successeurs perpétuent.
Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Plutôt du dernier livre de cet éclectique biographe ( Dassaut, Hergé, Cartier Bresson, le Lutétia…) intitulé « Vies de Job ». Il s’agit d’un panoramique philosophique, autobiographique. Après de longs détours, Assouline aborde à 58 ans son hard core. Voilà le récit d’une longue souffrance résultant de la mort de son frère aîné et de son père, de son retour à la pratique religieuse de sa foi juive. La lecture de ce livre fleuve soumet à son lent courant, mais j’ai plongé ici et là dans de passionnantes digressions. Je le reprends tous les soirs pour y pêcher de nouvelles réflexions.

Cinq cents pages à la recherche de Job dans tous ses états. Job le souffrant, Assouline l’a choisi car il représente un inépuisable gisement de souffrance. Voilà une énergie fossile, qui n’est pas prête de s’épuiser. Et dont nous nous  nourrissons tous. Mais semble t-il les Juifs davantage que les autres. On se demande parfois s’il ne s’agit pas d’un modus operandi obligatoire de la judéité. Quand on est philosémite comme je le suis, on salue cette appétence stupéfiante. Le chrétien que je suis mesure la lumière que le christianisme a introduit dans les tourments de la religion originelle. La lecture des évangiles  en regard de celle de la Bible est éloquente. Lumière partielle certes, il nous reste la croix, ce signe de ralliement peu appétissant mais qui comble certains.

Ce Job que l’on a réduit à sa légende, « couché sur son fumier » apparaît lorsqu’on le relit au fil des citations qu’en fait Assouline comme un niais repu, dupé par Dieu, jouet de Satan et finalement de nouveau niais repu. On pense à notre société de consommation et de gavage qui va devoir connaître un régime maigreur carabiné dans les années qui viennent.

Abordant Job, on ne manque pas de penser à Diogène le cynique, l’autre va nu pieds, sdf., philosophe du dénuement, de l’abandon, qui lui méprise la souffrance. Cité seulement deux fois au fil du récit. Il aurait mérité davantage d’attention eu égard à son degré de proche parenté. Certes, démarrant avec lui on serait allé moins loin dans la rumination psycho théologique.

La souffrance d’Assouline résulte d’une disputatio avec Dieu.

Dieu est un interlocuteur idéal, il vous laisse la parole et vous laisse parler à sa place. Assouline ne s’en prive pas. Ce sont sans doute les périodes que j’ai préférées dans ce livre. On passe sans cesse du roman, de l’enquête journalistique, de l’autobiographie, au livre d’heures. On ne s’ennuie jamais malgré quelques longueurs. C’est écrit page 491 : « cette histoire ne finira jamais. »

Je viens de le terminer mais je vais relire ce Job tout de suite.

A.H.