Un jour où je devais faire son éloge anthume devant une assemblée bienveillante de jardiniers et de botanistes, j’ai été amené à dire qu’Alain Hervé avait
“écrit un nombre considérable d’articles passionnants pour un large public en un merveilleux français ; pour ma part j’ai surtout écrit, en mauvais anglais, un petit nombre d’articles dont la lecture aride est réservée à quelques initiés”.
J’ai accepté donc à la légère d’écrire une préface pour un livre (Le Paradis sur Terre, éd. Sang de la Terre) auquel j’apporte la mince caution de mon quasi-anonymat. J’ai accepté parce j’aime lire ce qu’écrit Alain Hervé.
Comme tout misanthrope qui se respecte, Alain Hervé a un profond et discret amour de l’humanité : “L’homme est une merveille de la nature dans une nature merveilleuse”. Il l’aimerait meilleure bien entendu cette humanité, comme tout le monde, mais sa grande capacité d’empathie lui a donné une aptitude réelle d’abord pour comprendre et organiser les entreprises humaines, ensuite pour écrire des livres.
L’écologie profonde qu’il affiche parfois est une carapace et aussi une défense contre le gauchisme et le politiquement correct dont il a eu sa ration en tant que journaliste au Nouvel Obs. Il se voudrait le sauvage, du nom du journal qu’il a fondé et dirigé pendant 8 ans, alors qu’il n’y a pas plus civilisé que ce voyageur.
Et surtout pour le présent propos, il écrit bien. Il a créé un style qui permet d’en reconnaître l’auteur à la lecture d’un seul paragraphe.
il forge des mots, mots nouveaux immédiatement compréhensibles dans leur contexte, qui lui permettent d’exorciser ce qu’il n’aime pas, pesticider, déficiter, médiacirque, psychoncontorsionnement, névroconflits, solodéprimes, squelettisme, une haine submergeante, un journal qui trémouille d’émotion, un lideur maximal, le bâfrage, les centrales tchernobiliennes.
Il ponctue son texte de phrases courtes, sans verbe, qui tirent de ce fait même une grande force et ponctuent la réflexion de la lectrice et du lecteur.
Il nous entraîne dans son monde riche de souvenirs et de sensualité quotidienne.
Pour bien caractériser l’impression d’évasion que me donne cette lecture, je dirais que quand je referme son livre, il me faut un moment pour reprendre contact avec la réalité ambiante, comme lorsque l’on sort du cinéma après un bon film.
A noter que sur le fond du message, il est resté fidèle aux positions qui étaient les siennes quand il a fondé les Amis de la Terre il y a quarante ans.
Ghislain Nicaise
Si vous avez encore un doute, allez en lire quelques bonnes lignes ici