Mardi 19 août est la date à laquelle l’humanité a épuisé ses ressources disponibles pour l’année 2014 (1). Cette information n’est pas passée totalement inaperçue des médias français (voir Le Monde, Biosphère) mais il me semble important d’en faire l’écho.
L’idée forte du “Earth Overshoot day” a été lancée par le Global Footprint Network (GFN). Le GFN est une institution animée par Mathis Wackernagel autour du concept d’empreinte (footprint) écologique, développé initialement dans sa thèse de doctorat (dirigée par William Rees). L’originalité principale de cette thèse a consisté à évaluer tous les besoins de l’humanité en surface de planète Terre disponible pour subvenir à ces besoins. On peut ainsi calculer l’empreinte de l’humanité, d’une nation, d’une ville ou même d’un individu, calculée en hectares globaux. Une ville par exemple, en dehors de ses murs, a besoin d’une certaine surface de planète pour ses ressources et aussi pour ses déchets, comme une vache dans son pré a besoin d’une surface d’herbe pour se nourrir et d’une surface provisoirement soustraite à l’alimentation pour recevoir ses déjections. L’économie ignore généralement ces réalités triviales, c’est pourquoi la plupart des économistes considèrent la croissance comme un bien absolu.
La question que vous pouvez légitimement vous poser : si nous avons dépassé les ressources disponibles comment se fait-il qu’il ne se passe rien de spécial ?
L’humanité est emprisonnée dans un milieu limité. Comme toute population vivant dans ces conditions, que ce soit des bactéries dans une boite de Pétri, des levures dans un fermenteur ou des moutons oubliés dans une prairie clôturée, elle prolifère jusqu’à ce qu’elle ait dépassé la capacité d’accueil (carrying capacity) de son environnement. A partir de ce moment cette capacité va diminuer progressivement et après un certain temps cela aura une incidence sur la population qui va alors décroitre également. Mais au moment où la population excède la capacité d’accueil, il n’y a aucune crise particulière, pas de big bang comme disent Wackernagel et Rees.
Cette loi des écosystèmes simples s’applique aussi à l’humanité comme le suggère le rapport Meadows commandé par le “Club de Rome” en 1972 et confirmé par la réévaluation de 2012. Nous sommes toujours dans la partie montante de la courbe de population mais après le dépassement de la capacité d’accueil. Le sommet de la courbe est prévu aux environs de 2030, il est probable que nous ne verrons pas la stabilisation de la population mondiale autour de 9 milliards en 2050, prédite par l’ONU. Notre espèce a pour particularité d’échapper à quelques déterminismes biologiques, ce qui peut favoriser un enthousiasme prométhéen : certain-e-s optimistes pensent que les énergies renouvelables prendront à temps le relai des fossiles. Cependant le pic énergétique n’est pas le seul à l’horizon, d’autres ressources non renouvelables comme les métaux vont se tarir rapidement et le moins qu’on puisse dire c’est que les responsables politiques ne se préparent pas à l’effort quantitatif, au bouleversement de nos habitudes que cela représente. Une récente émission de télévision comparait l’effort à venir à l’effort de guerre que les pays occidentaux ont déployé vers 1940, saurons nous réussir la transition ?
Ghislain Nicaise
(1) Ce jour était le 31 décembre en 1986 (début de l’overshoot) et le 1er novembre en 1996.